jeudi 29 mars 2007

Sorj, combattant de la plume

Vendredi 2 février. 15h30. Sorj Chalandon vient de quitter Libération. Après trente années passées au quotidien. Sans pot de départ. Sans même prévenir le standard. Il est parti par fidélité. Fidélité depuis toujours à ses engagements. A son chef, Serge July. « Le baron Rothschild veut une vraie rupture avec l’époque July. Sans moi. July était mon chef. Je suis un soldat, on licencie mes généraux, je m’en vais ».

Mais il s’en va aussi parce qu’il ne supporte pas les changements d’une presse qui va mal. « Le quotidien national d’information tel qu’il existe est appelé à disparaître. On appartient à un monde mort. Je ne me suis pas battu toute ma vie pour être payé par la publicité. Ce qui est en train de se passer ne me convient pas. C’est très difficile, mais c’est mon choix ».

Issu d’un milieu modeste, une mère employée de bureau et un père sans emploi après une blessure lors de la deuxième guerre mondiale, Sorj s’est engagé très tôt dans la lutte. Il adhère au mouvement d’extrême-gauche, d’essence maoïste, la Gauche prolétarienne. Première rencontre avec Serge July. Il côtoie les militants de la branche clandestine, La nouvelle résistance populaire, responsable de l’enlèvement de l’un des patrons de Renault. Pour ces « vrais communistes », comme il se définissent eux-mêmes, rien ne peut se faire sans l’action. Ils veulent l’insurrection armée. Alors étudiant en histoire, Sorj quitte l’université et devient ouvrier à l’usine chimique Rhodia Seita à Vayze. Mais 1972 sonne comme un tournant. Pierre Overney, ouvrier chez Renault, est tué par un vigile, alors qu’il distribuait des tracts pour une manifestation anti-racisme. En septembre, le commando Septembre noir prend en otage la délégation israélienne lors des Jeux Olympiques de Munich. Ces deux évènements lui font prendre conscience que le terrorisme ne mène à rien, que la lutte armée conduit à l’impasse. « La masse ne nous suivait pas ». Ces combattants contre la classe dominante se retrouvent « orphelins d’idéologie ».

Serge July décide alors de fonder le journal Libération en février 1973. Sorj le rejoint en septembre, comme dessinateur et monteur de page à la fabrication. Il a 21 ans. La même année, il part en Syrie, où il couvre, monté sur le premier char des forces syriennes, l’entrée dans la ville de Kuneitra reprise à Israël. Il vient de faire ses preuves, et devient reporter au service informations générales. Il y traite d’affaires de police et de justice. Olivier Bertrand, qui a travaillé avec lui dans le même service, se souvient d’un homme particulièrement sensible aux autres : « De tous les journalistes de Libération, Sorj est l’un des plus attentifs aux gens. Il a une vraie attention humaine, ce qui paraît assez rare pour quelqu’un qui est dans la même entreprise depuis trente ans ».

En 1980, il rejoint le service « monde ». En 1981, le président égyptien Anouar el-Sadate est assassiné au Caire. Sorj est disponible, et part. Sa carrière de grand reporter est lancée. Pendant vingt ans, il va couvrir tous les conflits qui secouent la planète : le Liban, l’Iran, l’Irak, la Somalie, l’Afghanistan, le conflit nord-irlandais. « Il n’y a pas d’école de grand reporter. Tu es grand reporter dans l’usage que tu fais de la chance que l’on te donne. J’ai eu la chance d’être choisi et d’avoir la confiance de mon journal. La rédaction pouvait compter sur mon écriture, ma disponibilité et mon envie de me confronter au pire : la guerre ».

En 1988, il reçoit le Prix Albert Londres, et rejoint ainsi le panthéon des grands reporters distingués par ce prix. « Le paradoxe, c’est que j’ai eu ce prix pour le procès de Klaus Barbie, qui se déroulait à deux heures de Paris ».

Et demain ? « Je suis trop étiqueté Libé, trop emblématique de ce journal, j’ai eu le Prix Albert Londres, c’est trop lourd ». Sans illusion, il est passé à l’écriture, pour combler un manque. Journaliste le jour, il devient écrivain quand la nuit tombe. En 2006, il reçoit le Prix Médicis pour son deuxième roman, Une promesse. « J’écris ce qui me manque la nuit, ce qui manque au journaliste et à l’homme : le respect, l’écoute, la fraternité. Écrire la nuit donne une écriture différente, particulièrement apaisée. Cela me permet d’inventer un autre monde. Je suis entré en journalisme pour lutter, dans l’écriture romanesque pour rêver ». Il vient de signer son contrat pour ses deux prochains romans. De quoi occuper ses prochaines nuits. Il lui reste à combler ses jours.

vendredi 9 mars 2007

« On ne va pas tout résoudre »

Sur les bords du canal Saint-Martin, deux mois après la spectaculaire opération de montage des tentes par les Enfants de Don Quichotte, les sans-abri sont toujours là, provoquant le mécontentement de certains riverains.

Mardi 20 février, 18h. La nuit commence à tomber sur les bords du canal Saint-Martin, où une centaine de tentes rouge, bleu ou beige sont toujours alignées. Le 8 janvier, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale, avait pourtant annoncé la mise en place d’un plan de 70 millions d’euros. Celui-ci prévoit l’élargissement des horaires des centres d’hébergement d’urgence et 10 000 places de plus d’ici à la fin 2007 pour des logements de plus de trois mois.

Les réactions des commerçants riverains du canal sont mitigées quant à cette situation qui perdure. Si Somali, la jeune vendeuse du magasin Quai 71, estime « qu’ils ne dérangent pas », Arnaud, serveur au restaurant Chez Prune, à l’angle de la rue Beaurepaire et du Quai de Valmy, considère qu’une minorité est la cause de troubles. « Les gens qui restent sont des gens qui ont soit des problèmes cliniques, soit des problèmes d’alcoolisme ou de drogue. Certains sont durs à gérer. Dans le lot, il y en a une dizaine de durs, qui agressent les gens quand ils passent et créent une mauvaise ambiance ». Depuis la mise en place d’un service de sécurité qu’il qualifie « d’efficace », il estime que « ça va mieux ». « Tant qu’ils ne nous empêchent pas de bosser », conclut-il. A voir le monde qui se presse dans ce restaurant à l’ambiance tamisée, les sans-abri déjà bien imbibés n’empêchent effectivement pas les Parisiens de sortir.

De l’autre côté du canal, le gérant du salon de coiffure Rock-Air Cut est plus agacé. « C’est gonflant. Ils sont bourrés tous les jours. Parfois ils se battent, et j’en ai alors un qui vient me demander de l’eau ». Montrant le petit pont qui enjambe le canal, il poursuit : « Lui là-bas, il a deux chiens, alors il ne veut pas aller en appartement. Ce sont des paumés, il faut leur réapprendre à bosser. Et puis tout ça, c’est du cinoche pour moi. Toutes les tentes n’étaient occupées qu’à 5% au plus fort de la crise ».

Jacques Deroo, président du collectif Salauds de pauvres, explique que « ce sont des personnes qui ont passé un nombre incalculable d’années dans la rue, on ne peut pas les reloger comme ça. Ce sont des personnes très déstabilisées qu’il faut prendre en charge. Beaucoup ne veulent pas retourner en centre d’hébergement », ajoute-t-il, rejoignant ainsi le point de vue d’Arno Klarsfeld, dans son rapport remis à Nicolas Sarkozy. L’avocat parisien, nommé médiateur par le ministre de l’Intérieur en décembre dernier pour résoudre la crise des tentes du canal Saint-Martin, préconise « l’ouverture de centres à taille humaine, de 30 à 50 places », qui tiennent mieux compte de la très grande diversité et des véritables difficultés des sans-abri. Il y énumère les raisons du refus des sans-abri de se rendre dans les centres d’hébergement actuellement existant : la promiscuité, le mauvais sommeil ou le réveil à heure fixe.

Une idée reprise par Jacques Deroo, qui monte à Ivry une structure communautaire mieux adaptée aux sans-abri. « Le gouvernement voudrait résoudre le problème tout de suite et il ne peut pas. Je travaille dans l’urgence, et ces personnes sont dans l’attente ». Il demande surtout à l’État des moyens. « La situation est très complexe. L’État peut donner les moyens, mais ne peut pas faire le travail à la place des travailleurs sociaux. Même avec les moyens, cela ne veut pas dire que l’on va tout résoudre ».

mercredi 7 mars 2007

François Bayrou se dévoile aux internautes

Trois couleurs : bleu, orange et blanc. C’est ainsi que se décline le blog de Bayrou. Du bleu pour les titres, de l’orange pour la colonne interactive à droite de la page, le tout sur fond blanc. La couleur, qui est celle du blog officiel de l’UDF, se veut celle de la révolution orange, à l’instar de la révolution orange qui avait accompagné l’élection du président ukrainien l’année dernière.
Le site se veut surtout interactif : du texte, de la vidéo, et de nombreux commentaires de partisans qui expliquent leur choix de voter Bayrou. Du dernier reportage du candidat centriste à Toulouse auprès des salariés d’Airbus, sa position sur la dette en France ou le modèle d’exploitation familiale français, les positions officielles du candidat centriste sont bien sûr présentes sur ce site. Plus insolite, c’est aussi le candidat dans son intimité que l’on découvre. « François Bayrou sous le signe de l’amour », long article qui a suivi la diffusion de son portrait dans l’émission d’Envoyé spécial où l’on découvre un Bayrou dans ses relations familiales et professionnelles ; des vidéos où il parle de ses auteurs préférés et des personnalités qui l’ont marqué tout au long de son parcours politique, ce blog est entièrement destiné à nous faire mieux connaître qui est François Bayrou. Une sélection des meilleurs clichés du candidat - sur un bateau de pêche, à la montagne ou lors d’un meeting, est aussi visible sur son blog.
Autre innovation, certaines de ces vidéos sont doublés pour les malentendants. Il pense à tout le candidat Bayrou. Et parce qu’un vrai supporter ne saurait partir en campagne sans son kit complet d’affichage, on peut aussi y télécharger des tracts et autres affiches au slogan du président de l’UDF. Et placer les liens de ces vidéos sur son propre site. Toute la panoplie du vrai supporter du candidat centriste.
Enfin, pour ne pas perdre le contact, on peut suivre tous les déplacements du candidat, grâce à l’agenda proposé en fin de page, ainsi qu’une revue de presse des apparitions et interviews de François Bayrou dans les médias. Et ça marche. De nombreux commentaires, souvent élogieux mais surtout passionnés, accompagnent chacun des articles. On y trouve même une revue de commentaires.
http://www.bayrou.fr/ le blog du candidat centriste à ses fans.