vendredi 23 février 2007

Paroles de militant

Frédéric MATHIEU, 29 ans, marié, attaché d’administration centrale, est militant au parti socialiste depuis dix ans. Très impliqué lors de la primaire au sein du PS, puisqu’il a représenté le candidat Laurent Fabius dans sa section, à Dreux, il nous confie sa déception après le vote du 16 novembre et ses attentes pour la prochaine présidentielle.

Où étiez-vous le 16 novembre, jour de l’élection du candidat du parti socialiste pour la prochaine campagne présidentielle ?

J’étais dans ma section locale à Dreux pour voter et surveiller le vote.

Comment était l’ambiance ?

L’ambiance était bon enfant. Elle est devenue plus tendue après le dépouillement. Il n’y a pas eu d’affrontements, mais les enjeux qui ont fait la campagne ont resurgi, avec la satisfaction de ceux qui avaient raison et la déception des autres.

Quel a été le score dans votre section ?

Sur 63 inscrits, il y a eu 54 votes exprimés, dont un nul, 34 voix pour Ségolène Royal, 12 pour Dominique Strauss-Kahn et 8 pour Laurent Fabius. Le résultat a reflété les tendances nationales.

Lorsque vous avez appris le résultat, vous avez été déçu ?

Déçu et en colère.

Pourquoi ?

Disons que les candidats n’étaient pas interchangeables. Ce n’était pas un débat de personne, mais un vrai débat politique. Nous avons vraiment abordé des questions de fond. A travers la divergence de propositions des candidats, on voyait bien deux options se dessiner : une option socialiste et une option social-libérale. Avec l’élection de Ségolène Royal, c’est l’option social-libérale qui a été préférée.

J’ai orienté ma colère sur les nouveaux adhérents, car ce sont eux qui ont fait la bascule. Au 31 décembre 2005, le PS comptait 120 000 adhérents. Le jour du vote, nous étions 215 000 adhérents. Soit plus de 95 000 nouveaux adhérents à 20 euros. Majoritairement, ce marais[1] a adhéré pour Ségolène. J’étais en colère de voir des personnes qui n’avaient pas de vécu militant suivre bêtement les sondages. Quand on revient à la genèse de la candidature de Ségolène Royal, ce sont les médias qui ont désigné la candidate. Politiquement, cela pose un problème de voir un grand parti d’opposition qui est structuré par les sondages. Cela heurte profondément quand on voit ce décalage.

D’où vous vient cet engagement militant ?

Il y a eu plusieurs évènements déclencheurs. J’ai toujours été concerné par les enjeux politiques. Petit à petit, je me suis senti un citoyen engagé pour participer à la vie de la cité. En janvier 1996, Mitterrand est mort. Je fais partie de la génération Mitterrand. J’ai alors pris conscience d’un héritage, d’une page qui se tournait. C’était le moment d’adhérer. Je l’ai fait en novembre 1996, soit dix mois après la mort de Mitterrand, mais j’ai pris le temps d’y réfléchir.

Allez-vous voter pour Ségolène Royal le 22 avril prochain ?

Je m’interroge beaucoup. Officiellement, tout le monde a dit que la campagne serait faite pour le candidat. Mais quand je discute avec mes camarades, beaucoup me disent qu’ils ne vont pas faire la campagne, certains vont même quitter le PS. Personnellement, j’ai beaucoup d’interrogations sur mon action pendant la campagne. Je voudrais préciser un point : ce n’est vraiment pas une question de personne. C’est une question politique eu égard à sa méthode, aux propositions avancées. Nous sommes en train de vivre le même schéma que le New Labour en 1997 en Grande-Bretagne avec Tony Blair. On assiste à une droitisation du parti. Et aujourd’hui, je ne me sens pas prêt à assumer cela.

Alors pour qui voterez-vous à la présidentielle ?

Si la gauche anti-libérale arrive à proposer une candidature unique, je voterai pour ce candidat.

Et si Ségolène Royal est élue à la présidence, vous resterez au PS ?

Je ne sais pas. Mes interrogations portent là-dessus, sur ce qui se passe maintenant et une fois qu’elle sera élue. Je pourrais prendre une décision affective qui serait de prendre la porte. Mais cela fait dix ans que je suis au PS, je vais donc attendre un peu, je ne suis plus à quelques mois près.



[1] Ndr : marais désigne le corps électoral pour lequel on ne peut pas prévoir à l’avance ce qui va ressortir

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