vendredi 23 février 2007

« Internet place les journalistes sous surveillance »

Pascal Froissart, chercheur associé au laboratoire communication et politique du CNRS, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis.

La SCI du couple Hollande-Royal a été divulguée sur un blog. Cela pose la question de la crédibilité d’Internet. Faut-il croire Internet ?

Internet est indissociable des autres médias. De même que l’on ne peut pas dire que la radio a moins de pouvoir que la télévision, Internet n’a pas moins de pouvoir que les autres médias. Il fait l’actualité au même titre que les autres médias. Nous sommes dans un monde où les médias sont interconnectés. Ce blog serait resté anonyme si un député n’avait pas repris cette information et ne l’avait pas instrumentalisée. Si un citoyen lambda publie un super scoop, s’il n’est pas repris par une autorité, ce scoop n’a aucun effet. S’il n’y avait pas une élection, ce genre d’information passerait à la trappe. Dans le dispositif légal, on ne publie pas le patrimoine des candidats. C’est indécent.

Est-ce que cette affaire ne décrédibilise pas les médias, qui se sont contentés de reprendre l’information sans la vérifier ?

Internet change les données, la pratique du journaliste mais ne décrédibilise pas les autres médias. Il place les journalistes sous surveillance. La diffusion en est simplement facilitée grâce à Internet.

Quel est le rôle d’Internet dans l’actualité ? N’a-t-il pas une influence croissante sur les autres médias ?

Internet n’a pas un rôle particulier dans l’histoire. D’autant plus que dans cette affaire, il n’y pas eu un gros travail de journaliste. Internet est un support à l’actualité. Réussir à passer cela comme une information, c’est magistral. Les journalistes n’ont pas vérifié qui est l’auteur du site. En-dehors de la campagne, cette information ne passerait pas. C’est « l’effet de réel » dont parle le sociologue Pierre Bourdieu. On est en train de créer une réalité qui n’a pas d’importance. Est-ce que Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy vont faire un bon président ? C’est ça la question. C’est tragique, les journalistes se croient tout puissants. Quant à son influence, je parlerai d’un système croisé : la presse surveille Internet et Internet surveille la presse. Sur Internet, on trouve beaucoup d’articles copyrightés de journaux.

Quelle est la légitimité de l’information délivrée sur Internet ?

Selon l’étude médiamétrie, les sites d’information les plus consultés sur Internet sont TF1, Le Monde, Le Figaro. On retrouve les médias traditionnels. Les gens vont s’informer sur Internet sur les mêmes sites que dans la vraie vie. Internet est extrêmement structuré, il est difficile d’échapper à l’emprise du Monde, du Figaro ou de TF1.

N’importe qui peut ouvrir un site sur Internet et se déclarer expert dans un domaine. Comment établit-on la légitimité de l’information sur Internet ?

On établit la vérité sur Internet grâce à des signes extérieurs : on affiche la source, l’affiliation (le logo du CNRS par exemple), on travaille la cohérence de l’écriture et la mise en page.

Internet est-il un contre-pouvoir ?

Non. Les dix premières audiences sur Internet sont neuf entreprises, dont huit sont cotées en bourse et six sont américaines.

[1] Société civile immobilière

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