Depuis cinq ans, le 17 février, une centaine de personnes défile aux flambeaux à Paris pour réclamer le retour du franc. Au chant de la Marseillaise et à grands renforts de drapeaux français, nationalistes et souverainistes réclament l’indépendance de la France et la sortie de la zone euro.
« Ridicule. Bouh ». Du haut de sa fenêtre du 5e étage, un homme hue la procession qui défile en bas de la rue. Environ deux cents personnes, des flambeaux à la main, tiennent des drapeaux français et deux grandes banderoles « euro, monnaie d’escrocs ». Ils défilent pour demander le retour du franc.
Ils sont partis du Bon Marché. Ils empruntent le boulevard Raspail, la rue de Sèvres, continuent par la rue du Four, la rue de Buci, et enfin s’engagent dans la rue de Seine, avant d’arriver à l’Institut de France, dernière étape de leur parcours. Ils arpentent les rues de la capitale, sous escorte policière, qui n’hésite pas à bloquer la circulation du boulevard Saint-Germain pour les laisser passer. En tête du cortège, la semeuse, ornée de l’inscription « République française », ouvre la marche. Deux hommes portent un brancard avec une reproduction d’une pièce de un franc. Au milieu, beaucoup de jeunes d’une vingtaine d’années, de personnes d’un certain âge, une ou deux poussettes.
Les manifestants entonnent la Marseillaise à plusieurs reprises, entre deux exhortations pour le retour au franc. Une manifestation nationaliste, ce qu’assume le renouveau français, l’une des associations organisatrices. « Souverainiste », rectifie Dominique Mahé, qui roule une affiche pour le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. « Je ne suis pas fondamentalement pour un retour du franc, sauf si la situation économique s’aggravait. Mais je constate que le pouvoir d’achat a diminué de 30 % depuis l’introduction de la monnaie européenne. Je tiens une petite entreprise de papeterie, et je le vois tous les jours auprès de mes clients. D’un point de vue technique, la mise en place de l’euro a coûté cher. Les magasins ont dû faire un double affichage, il a fallu remplacer toutes les caisses enregistreuses ».
Dans les rues branchées du quartier Saint-Germain ce samedi soir, cette marche a quelque chose d’anachronique. Un décalage entre un quartier « bobo et gauchiste » selon Dominique, et cette manifestation aux flambeaux, à contre-courant, où le chant de la Marseillaise s’élève au milieu des slogans « le franc aux Français ». Il est 19h, et de nombreux clients sont attablés dans les cafés et restaurants de cette rue animée. Ils regardent le défilé. Beaucoup sont surpris. Quelques passants s’arrêtent et regardent. S’avancent pour prendre les tracts distribués par les organisateurs. Certains les insultent. Au bar La Palabre, à l’angle de la rue de Seine et de la rue de Buci, des personnes attablées entament une discussion avec les manifestants.
Xavier Grange milite au sein de l’alliance pour la résistance nationale, l’autre association organisatrice. « Je suis clairement anti-européen et hostile à la construction européenne. L’ensemble de la zone euro fonctionne très mal. Les pays n’ont pas de structures économiques proches. L’Angleterre, la France et l’Italie ont des économies trop divergentes pour faire partie d’une zone monétaire optimale. Il n’y a jamais eu autant de délocalisations depuis que l’euro est devenue la monnaie unique ».
Pour Benjamin, 19 ans, étudiant en BTS de comptabilité gestion à Bordeaux, sa présence à cette manifestation va bien au-delà de la simple question économique posée par l’euro. « Je suis pour le retour au franc et la suppression de l’euro, symbole qui réduit notre souveraineté nationale et la liberté de la France. Je suis contre l’impérialisme supra-national qu’est l’Europe. La monnaie, au même titre que la langue et la culture, fait partie de notre identité. Je rejette tout ce qui tend à réduire notre identité. Six lois sur dix sont d’origine européenne ».
En cinq ans, le nombre de manifestants a augmenté. « En 2002, nous étions 27. Quand je distribuais les tracts, je me faisais littéralement insulter. Nous étions dans le déni total. Depuis deux ans, il y a une évolution, les gens s’y intéressent. Ils sont surpris et notre démarche les interpelle », commente Xavier.
Le défilé atteint la place de l’Institut de France. La manifestation a été courte, à peine une demi-heure. Dès 18 heures, quelques personnes étaient rassemblées devant le Bon Marché. Des jeunes skin-heads sont venus s’affronter, devant la police. Les pompiers sont arrivés peu après. On les retrouvait dans la manifestation, crânes rasés et une écharpe cachant le bas de leur visage.
La Renault 19 bleue de la police file. Les huit porteurs de drapeaux et de banderoles montent sur les marches de l’Institut pour la photo finale. Sous les lumières de la nuit, devant les colonnes de l’Institut, l’image a quelque chose de théâtral. « Terminer sur l’esplanade de l’Institut donne une certaine allure. La manifestation aux flambeaux donne du cachet, on essaie de mettre un minimum de décorum avec notre peu de moyens », commente Xavier Grange. Après les discours appelant à la liberté de la France, ils entament une dernière Marseillaise, replient les drapeaux et se dispersent dans la nuit parisienne. Et se donnent rendez-vous pour le 17 février 2008.
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