L’homme est concentré. Il est âgé, ridé. On devine ses cheveux blancs sous sa casquette. Emmitouflé dans son manteau d’hiver, il n’a même pas pris la peine d’ôter sa sacoche. Il observe le jeu de son adversaire, ses doigts gantés bougent d’impatience et raclent la table. Sa main nerveuse vient déplacer la reine noire. En face, l’homme, beaucoup plus jeune, est immobile. Il porte des lunettes noires. Une boucle d’oreille en argent est accrochée à son lobe gauche. Il est habillé d’une veste et d’un pantalon noir. Un cartable est posé au pied de sa chaise. A son tour, il bouge une pièce du jeu.
Il est 16h30 ce jeudi dans le jardin du Luxembourg. L’heure de la sortie des écoles environnantes. Rien ne semble déconcentrer ces deux joueurs. Ni cet homme, debout, à côté de la table, une capuche vissée sur la tête, qui observe patiemment la partie qui se joue, sans dire un mot. Ni ces deux femmes, blondes, toutes de noirs vêtues, qui passent entre les tables, s’arrêtent, observent un instant, puis s’en vont en commentant la partie.
Tout autour, le sol est jonché de feuilles mortes, tombées des arbres d’à côté. Des mères de famille se promènent avec leurs bébés dans des poussettes ; d’autres enfants courent dans l’allée en se chahutant mutuellement. Un peu plus loin, on peut entendre le son des balles qui viennent frapper la raquette des joueurs du cour de tennis.
A la table voisine, la partie est plus animée. Deux joueurs se font face, tandis que deux spectateurs commentent chaque coup. L’odeur de leurs gitanes s’évapore lentement dans l’après-midi finissante. L’un porte un blouson bleu, a les tempes grisonnantes. Il est immobile, ne dit pas un mot, mais ne perd pas une miette de la partie qui se joue devant lui. L’autre est plus actif, observe, se retourne, va d’une table à une autre.
Mais déjà on entend les sifflets. Les gardiens arrivent, annoncent la fermeture du jardin. Les mamans se dépêchent de rentrer, les joueurs de ranger leurs pièces dans leur sac. Ils n’ont pas fini leur partie. Ils reviendront demain.
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